2/ Laisser aux femmes le temps de vivre leur grossesse et les rendre actrices de leur accouchement
Non la grossesse n’est pas qu’un merveilleux moment :
- Rendez-vous médicaux à la chaîne avec un professionnel différent à chaque rencontre
- Non prise en compte de la douleur exprimée durant la grossesse
- Absence de consentement pour des actes obstétricaux (utilisation d’instruments, épisiotomie, déclenchement …)
- Refus d’écouter le ressenti de la femme lors de son accouchement (positions, projet d’accouchement…)
- Réflexions désagréables et propos infantilisants.
Je ne me sentais pas concernée quand j’entendais parler des violences obstétricales jusqu’au jour où je suis tombée sur ce schéma via le site de l’association « pour une meuf » . Ce mouvement lutte contre le sexisme médical.
J’ai détesté cet aspect déshumanisant de la grossesse, celui qui m’a fait ne me sentir par moment qu’un ventre.
j’ai détesté servir de cobaye à la stagiaire qui m’a recousue sans avoir donné mon consentement . Je me souviens de sa panique. j’en garde un traumatisme.
J’ai détesté le médecin de la maternité qui n’a pas voulu m’arrêter en fin de grossesse , grâce à elle j’ai fini aux urgences quelques jours plus tard.
J’ai détesté que l’anesthésiste soit pressé et qu’il me pique pendant une contraction.
J’ai compris mais j’ai détesté que la sage femme qui m’a accompagnée tout au long de mon accouchement quitte la salle juste au moment de l’expulsion car elle terminait son service.
J’ai détesté ce contrôle du poids avec ces réflexions infantilisantes : « il faut prendre des melons moins sucrés »
J’ai détesté que le médecin me parle d’éventuelle malformation de mon bébé pour me dire que finalement « non » sans s’imaginer le cataclysme qui s’était produit en moi .$
J’ai détesté ne pas me sentir libre.
J’ai détesté ne pas avoir mon mot à dire alors je le dis quand même 🙂
« Etre une femme libérée tu sais c’est pas si facile «
Je vous parle de mon vécu mais aussi de celui de nombreuses femmes qui m’ont relatée des expériences similaires.
Je vous jette en vrac par écrit des témoignages issus du poadcast « le gynécologue et la sorcière » et du documentaire « tu enfanteras dans la douleur » (Cf liens ci-dessous)
- « Le gynécologue il faisait son truc dans son coin il ne me regardait pas »
- « Il m’a dit d’aller vite parce qu’il devait prendre l’avion pour partir en week-end »
- « Ce n’est pas parce qu’on à le sexe à l’air que c’est open bar pour tout le monde »
- « Dans la vie de tous les jours on est pas du genre à se laisser faire mais la ça se passe »
- « le médecin m’a dit vous n’allez pas pleurer quand meme (à une femme qui venait de perdre son bébé)
- « Le médecin est arrivé, il ne m’a pas dit bonjour, il m’a écarté les jambes »
- « C’était impossible de lui poser des questions, il m’a dit foutez moi la paix, je n’ai pas besoin de vous »
- « Je me suis demandée ce que j’avais fais de mal, ce n’est pas moi qui me suis ouvert le vagin quand meme
- « J’ai le sentiment d’avoir été agressée »
- » Ils pourraient être dans le lien, faire changer la femme de position mais c’est la rentabilité à fond, libérer les chambres, on fait une épisio »
- « Sentant que j’étais un poids pour eux j’ai fini par accepter la péridurale »
Je reste pourtant convaincue que la plupart des professionnels de santé sont bienveillants. Il ne s’agit pas de fustiger une profession. Je comprends ce sentiment d’injustice, nous les travailleurs sociaux y sommes également confrontés. Mais il faut entendre les critiques et adopter une position humble. La violence n’est pas forcement liée à une volonté de nuire. A leur décharge, les professionnels de santé manquent surement de temps à accorder à leur patientes. Je comprends qu’on banalisent des patriques quotidiennes et répétitives mais dans ce contexte il s’agit d’actes qui touchent à l’intimité la plus profonde, de gestes susceptibles de raviver une histoire personnelle douloureuse, voir des traumatismes. Comme dans tous les métiers de relation d’aide, les soignants s’habituent à la douleur, à la souffrance, à la plainte. Ils ont vu pire, bien pire, que votre cas… mais est-ce une raison pour ne pas écouter? Les femmes d’aujourd’hui ne sont pas celles d’hier. Elles sont peut-être sont plus isolées, plus éloignées de leur famille.Elles attendent surement plus qu’autrefois d’être entourées. Pour nombreuses d’entre elles tout va trop vite et 2 jours à la maternité ce n’est pas suffisant pour se remettre de l’accouchement. Elles cherchent à être rassurées mais elles ne veulent pas pour autant vivre leur accouchement de manière passive. Eduquées, elles ont accès aux moyens de communication. Elle réclament de la liberté et des consultations interactives. D’ailleurs n’est-ce pas plus intéressant ?
Selon Marie Hélène Lahaye juriste et auteure de « Accouchement : les femmes méritent mieux », il existe un manque de transmission entre femmes . Elle explique que dans les années 60 un message a été véhiculé incitant les femmes à ne plus partager leur expérience et à considérer le médecin comme le seul détenteur du savoir. Les mamans n’ont donc plus parlé à leur fille, elles les ont emmenées chez le gynéco pour qu’il fasse le boulot. Il s’agit, selon la juriste, d’un non sens, car ni les médecins ni les sages femmes ne seraient formés à donner ces informations, particulièrement dans un contexte où il faut aller de plus en plus vite.
Le positionnement du monde médical
Marie Hélène Lahaye constate que la médecine ne s’adapte pas aux nouvelles attentes des femmes. Il semblerait que toutes les plaintes de femmes victimes de violences obstétricales déposées à l’ordre des médecins aient été rejetées … Elle dénonce : une injonction à la passivité, de la violence dans des situations banales, des actes médicaux systématiques ainsi qu’une négation de la douleur : « vous ne pouvez pas avoir mal puisque vous avez la péridurale ». Selon elle, ce n’est plus l’interêt des femmes qui prime mais celui des médecins : « la péridurale sert aux soignants c’est beaucoup plus simple d’accompagner sous péridurale …la péridurale permet de faire une série d’actes médicaux ». Elle explique aussi que l’empathie que l’on pourrait attendre liée à la féminisation des gynécologues n’est pas aux rendez-vous car « ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on a deconstruit ce modèle patriarcal masculin…elles vont prouver qu’elles sont capables de faire aussi bien que leurs confrères masculins y compris dans la domination féminine ».
Mais là encore attention aux généralisations : des professionnels ont entendus, et réfléchissent à leurs pratiques. Dans le poadcast « Violences gynécologiques ou obstétricales mythe ou réalité? », sur France culture, sage femme et chef de service de maternité constatent l’absence d’explications données aux patients, un defaut d’information et un manque d’harmonisation des pratiques. Elles souhaitent donner plus de sens aux soins et prônent une évolution de la formation des professionnels de santé ainsi que la prise en compte nécessaire de l’histoire du patient.
Selon Michel Odent, chirurgien obstétricien, à l’origine du concept d’accouchement en salle de naissance: » « il n’est pas possible aujourd’hui que persiste un tel hiatus entre ce qui se passe dans les maternités et ce qui est publié à la lumière des données scientifique actuelles« . Il revient sur la notion d’intimité : « les femmes devraient pouvoir accoucher dans un lieu intime et silencieux, dans la pénombre, où la température est suffisamment élevée et où elles ne se sentent pas observées. »
En vrac quelques phrases de professionnels à méditer, issues du podcast « le gynécologue et la sorcière » :
- « Pour faire 5500 naissances je suis seul de garde...il y a des nuits où je dois choisir entre 3 césariennes laquelle est la plus urgente….un jour il ne va pas choisir la bonne et on le lui reprochera…
- « La naissance est traitée à l’hôpital comme une maladie avec des quotas …on doit aller toujours plus vite et ça ne doit pas couter cher »
- « Ce qu’on voit à l’hôpital c’est le contrôle du corps des femmes en permanence…laisser une marche de manoeuvre aux femmes ça inquiète …on intériorise le pouvoir du sachant…Les études de médecine sont empreintes de sexisme… la culture carabine consiste à stigmatiser les femmes pour désacraliser …
- « ça pourra changer si on arrête d’observer des gestes sans le consentement de la patiente « .
Apporter sa pièce à l’édifice
Il m’aura fallu deux grossesses pour comprendre : les femmes qui refusent la péridurale, celles qui ont recours à des Doulas, celles qui choisissent d’aller dans des maisons de naissance, celles qui accouchent à quatre pattes, celles qui accouchent à la maison. J’admire celles ont été actrices d’emblée, celle qui sont allées chercher l’information, celles qui ne se sont pas laisser dicter les choses. Si c’était à refaire, je ne sais pas quels seraient mes choix mais j’exigerais de me sentir considérée. Je ne vivrais plus ma grossesse et mon accouchement de manière passive. Je ne suivrais plus des protocoles sans poser de questions. Je me documenterais. D’ailleurs si j’avais écouté ces poadcasts avant mes grossesses , j’aurais probablement eu un autre positionnement. En me renseignant, j’ai compris qu’il existait un état d’esprit (patriarcal?) français. Certains pays pratiquent différemment, j’ai par exemple appris qu’aux Pays Bas 30% des femmes accouchaient à domicile. Chez nous, la pratique est encore mal considérée, le coût des assurance à payer pour les sages femmes est très dissuasif. Que penser de ces différences? J’ai aussi appris que les pratiques étaient très différentes d’une maternité à l’autre, alors que penser,par exemple, du fait que certaines maternités pratiquent beaucoup l’épisiotomies et d’autres quasiment pas?
Et si on remettait de l’humain dans tout ça ?
J’ai trouvé très intéressants les propos de Marie-Hélène Lahaye concernant la transmission et les relations mères-filles. A l’adolescence, j’enviais ma copine que sa mère accompagnait chez le gyneco. Je me disais que je ferais pareil avec ma fille. Aujourd’hui, j’ai changé d’avis. Je voudrais redonner une place à la transmission et échanger avec ma fille: pas comme une copine, ni comme une prof mais de femme à femme puisque c’est ce que nous sommes. J’ai dejà commencé en lui parlant de son corps, sans édulcorer. Nous avons abordé les notion de consentement, et d’intimité. Nous reviendrons sur ce sujet dans un prochain post. Je vous presenterai les livres qui me servent de support.



Conclusion: petit à petit l’oiseau fait son nid….
Un rapport récent sur le sujet commandé par la ministre de l’égalité homme/femme propose 25 recommandations. L’ordre des médecins n’a pas donné suite mais il a été approuvé par le conseil national des gynécologues et obstétriciens français. Une commission de promotion de la bientraitance en gynécologie a vue le jour. De plus en plus de langues se délient, des mouvements apparaissent tels #que paye ton utérus. C’est un bon début ! Affaire à suivre donc…
Je vous partage les poadcasts que j’ai écouté à ce sujet
- Ce poadcast « Le gynécologue et la sorcière » regroupe de nombreux témoignages.
Une création de Charlotte Bienaimé
Résumé « Paroles blessantes, propos déplacés, gestes brutaux, manque d’empathie, actes réalisés sans explications ni consentement, absence de prise en compte de la douleur… De plus en plus de femmes racontent les maltraitances et violences vécues lors de leurs suivis gynécologiques, de leurs IVG et de leurs accouchements. Comment expliquer ces pratiques ? Les faire changer ? Comment les femmes peuvent elles se réapproprier leurs corps, leur santé ? »
- Reportage « tu enfanteras dans la douleur « actuellement diffusé sur arte. https://www.arte.tv/fr/videos/081587-000-A/tu-enfanteras-dans-la-douleur/
Je vous mets le lien du rapport sur les violences obstétricales. La lecture est un peu longue mais intéressante
- Le poadcast « Violences gynécologiques ou obstétricales mythe ou réalité? » sur France culture
Résumé : Après l’annonce de notre Ministre à l’égalité des hommes et des femmes sur les maltraitances faites aux femmes en juin de cette année citant que 75% d’épisiotomies étaient réalisées (chiffre faux puisqu’il en a que 20%) a suscité un débat repris par de nombreux journalistes en manque de buzz. Il n’en reste pas moins que l’écoute, l’information, l’adhésion aux propositions médicales sont en deçà de ce que l’on pourrait souhaiter. Une césarienne, la pose de forceps, de ventouses, l’expression abdominale, l’injection de tel ou tel médicament mérite avant pendant et après un dialogue explicatif.Certes les préparations à l’accouchement (huit séances remboursées par la sécurité sociale) ou à la parentalité ne sont pas suffisamment fréquentées. C’est pourtant un lieu d’information et de dialogue. Le monde de la naissance a beaucoup évolué ces trente dernières années, présence du père, accueil du bébé dans la douceur, salle d’accouchement … Toutes ces évolutions doivent être prise en compte pour être le plus objectif possible.