Voilà un sujet que je devrais bien « maitriser »en tant que professionnelle exerçant dans le domaine de la protection de l’enfance et pourtant les mots ne me sont pas venus simplement en tant que maman….
j’ai abordé la question avec de nombreux amis parents qui, souvent démunis, s’interrogeaient face aux interrogations de leur enfant ou de leurs propres inquiétudes. C’est ce qui m’a décidé à prendre le temps d’écrire sur ce thème (et aussi parce qu’en tant que professionnelle il me manquait des outils de prévention à partager avec les jeunes).
Je suis convaincue de l’importance de communiquer dès le plus jeune âge des informations aux enfants afin de les aider à reconnaitre une situation de danger. J’ai donc abordé le sujet avec mes filles dès leur entrée en maternelle et je réitère la démarche chaque année en adaptant le vocabulaire et les supports en cohérence avec leur âge. Je ferai de même pour pour mon fils car il serait faux de penser que les garçons ne sont pas concernés.
Parler des violences sexuelles c’est craindre de perturber les enfants, de leur faire perdre leur innocence mais en réalité c’est notre propre inquiétude que nous devons affronter en imaginant notre enfant en position de victime ou d’agresseur.
Mon expérience avec mes enfants m’a montrée qu’ils avaient déjà des connaissances insoupconnées (voir erronées) en la matière et qu’ils ne prenaient pas peur lorsque le sujet était abordé clairement, de manière directe. Tout d’abord, il se peut qu’un enfant montre spontanément de la curiosité par des questions ou des actes, dans cette situation éluder peut l’amener à se construire de fausses représentations. En effet, ne pas répondre à ses interrogations c’est l’exposer aux informations extérieures.D’autre part, lorsque l’occasion ne se présente pas nous pouvons devancer les questions. Il s’agira alors d’amener la discussion dans un contexte adapté comme la lecture d’un livre, ou le moment du bain..
Il est intéressant de procéder par étapes , en commençant par parler des violences en générale , puis de la notion de consentement, pour ensuite cibler le sujet des violences sexuelles.
Je vous partage aujourd’hui le fruit de mes recherches, à travers ces thèmes de réflexion :
1/ Nudité et pudeur
2/ Parler du corps et de la sexualité
3/ Aborder les notions de consentement et de violence
4/ Caractériser la violence sexuelle
5/ Informer sur la conduite à adopter en cas de danger
6/ Etre dans le dépistage continuel
7/ Avoir un comportement adapté en cas de révélations
8/ Supports « Mises en scène » pour informer et échanger avec votre enfant`
Etant donné la consistance de ce « programme », il n’est pas question de le présenter à son enfant en mode « pavé ». L’intérêt des multiples supports est de pouvoir aborder le sujet de manière régulière sous forme ludique, en lien avec l’âge de l’enfant. C’est cet aspect répétitif qui lui permettra d’augmenter sa vigilance. L’important est de choisir les supports avec lesquels vous vous sentez à l’aise, je vous conseille donc de les lire/visionner avant de lui montrer. Je vous parle par expérience car j’ai parfois été prise au dépourvu en découvrant des contenus en même temps que mes enfants. Comme rien n’échappe aux enfants, ma fille de 3 ans m’a dit lorsqu’elle m’a pris en flagrant délit de sauter les pages d’un livre : « Maman tu n’as pas lu cette page, je veux lire cette page » ! :) donc c’est toujours mieux d’anticiper !
1/ Nudité et pudeur
Quelques repères par âge :
Avant l’âge de deux ans, un enfant est à l’aise avec la nudité par confort. Nous avons tous cette image en tête du bébé si naturellement joyeux de courir tout nu en été.
Entre 2 et 5 ans , l’enfant découvre qu’il est fille ou garçon. Il différencie vers 3 ans homme et femme. Il aime se balader nu et regarder la nudité des autres. Il cherche à montrer à quel sexe il appartient. Selon Sylviane Giampino *, psychologue de l’enfance et psychanalyste, auteur du livre « Pourquoi les pères travaillent trop » cette étape de construction de l’identité sexuelle est cruciale car c’est à travers « la différence entre sexe, entre génération, entre vivants et morts , que des repères s’organisent, que l’enfant parvient à se situer dans un ordre et à savoir qui il est . »
La notion de pudeur s’acquiert avec l’âge. Il s’agit d’une norme véhiculée par notre société. Certains peuples traditionnels ont un rapport différent au corps et peuvent vivre nu sans gêne. Dans son livre »100 réponses de psy aux questions des enfants » Anne Bacus, docteur en psychologie et psychothérapeute, explique que l’enfant devient pudique quand il commence à « entrevoir le rôle du corps dans la sexualité. » Il comprend que les câlins faits à un enfant n’ont rien à voir avec la sexualité entre adulte. Vers 4-5 ans, il parvient à identifier que les autres pensent différemment de lui. Cette capacité lui permet de mieux intégrer les codes sociaux dont les notions d’intimité et de pudeur. Il peut commencer à se laver seul. Il est en capacité d’entendre que son corps lui appartient et que son sexe est un endroit privé.
A la puberté les questions s’arrêtent, l’adolescent se tourne vers d’autres interlocuteurs que ses parents mais cela n’empêche pas de laisser la porte ouverte.
Donner des repères claires à la maison
Je me posais la question de « la nudité » à la maison, notamment : Jusqu’à quel âge prendre le bain avec son enfant? Est ce que cacher son corps d’adulte ce n’est pas envoyer le signal que la nudité est « honteuse »? A travers mes lectures (Anne Bacus) et les émissions regardées*, j’ai relevé des conseils donnés par des professionnels de santé et des psychologues interrogés sur le sujet. Ces derniers évoquent de manière unanime la nécessité de respecter la pudeur des uns et des autres dans le cercle familial. Il n’y a pas de mode d’emploi mais il est important de s’interroger sur les limites et les conséquences de la nudité des parents sur le développement de l’enfant. Les professionnels évoquent une discretion à mettre en place à partir des 2, 3ans de l’enfant car « une nudité trop exposée peut etre perturbante pour eux et la sexualité des parents ne devaient pas être partagée d’une façon ou une autre. » Ils mentionnent qu‘il est important de dire « non »lorsque la curiosité pousse les enfants à toucher les parties intimes de l’adulte.
*https://www.lamaisondesmaternelles.fr/article/comment-inculquer-la-notion-de-consentement-aux-enfants
2/ Parler du corps et de Sexualité
- Quel est l’impact sur nos enfants? Comment aborder le sujet ?
Les abus sexuels ne doivent pas être le premier sujet lié à la sexualité dont on discute avec son enfant, au risque de lui donner une vision inquiétante pouvant impacter sa future sexualité. ll est important d’aborder le sujet en terme autre, neutre voir positif et de manière brève et simple.
- Parler de sexualité :
« Faire l’amour c’est quand l’homme introduit son penis dans le vagin de la femme, ils se serrent trés fort , ils aiment beaucoup cela..c’est aussi de cette façon que l’on fait les bébés mais on peut faire l’amour pour le plaisir sans vouloir de bébé à chaque fois » (Anne bacus « 100 réponses de psy aux questions des parents »)
« Conduisons-nous simplement, comme on le fait pour n’importe quel autre domaine. On parle des beautés de la forêt, du plaisir à y aller, puis ensuite on dira qu’il y a aussi des dangers. . »(Jocelyne Robert est sexologue et auteure du livre « Te laisse pas faire« )
Ce n’est personnellement pas de cette manière que j’ai procédé et je le regrette. Animée par mon angoisse, j’ai tout de suite évoqué le sujet en terme de danger.
Certains penseront qu’aborder le sujet de manière positive pourrait donner le sentiment « d’encourager » l’enfant à avoir une sexualité précoce mais c’est faux. En fait, nous sommes parasités constamment par nos projections d’adultes. Par exemple par rapport à la masturbation chez l’enfant, nous éprouvons des difficultés à considérer cet acte comme naturel . Pourtant Les enfants ont besoin d’explorer leur corps et les organes génitaux en font parti. Heloise Junier, psychologue en crèche, explique dans un article du site « les pros de la petite enfance » que » ce toucher peut procurer un apaisement, du plaisir mais il ne s’agit pas d’un orgasme , ni d’une excitation sexuelle. » D’autre part, selon une étude américaine de juin 2019 ayant suivi près de 12 500 jeunes âgés de 9 à 18 ans, parler de sexualité avec ses enfants les incite à mieux se protéger, et n’avance pas l’âge de leur première fois. Les enfants ayant bénéficié de discussions ouvertes seraient plus susceptibles d’utiliser des préservatifs et d’être honnêtes avec leurs parents au sujet de leurs expériences sexuelles. La conversation sur le sexe a des bénéfices encore plus marqués lorsqu’elle a eu lieu avant l’âge de 14 ans, et lorsqu’elle a duré au minimum 10 heures au total.
Il est nécessaire de faire attention à la confusion amour et sexualité. Nous avons tendance à dire aux enfants « c’est parce qu’on s’aime qu’on a des relations sexuelles » mais gare à leurs interprétations car ils aiment beaucoup de personnes de leur entourage . C’est d’autant plus délicat que c’est souvent le discours des agresseurs (“c’est parce que je t’aime que je te touche, c’est normal entre personnes qui s’aiment”). L’enfant victime peut alors considérer le contact intime comme un acte légitime.
D’autre part, ouvrir un espace de parole avec nos enfants leur permet de ne pas s’enfermer dans de fausses représentations émanant de l’extérieur. Il est important d’aborder le sujet de la pornographie avec eux et de mettre en place un contrôle parental. En effet, plus d’un enfant sur 3 a vu des contenus pornographiques avant l’âge de 12 ans, la plupart du temps de manière non intentionnelle. Etre exposé à ce type de contenu trop jeune est une forme de violence. L’imaginaire et la sexualité se construisent par la brutalité de ces images qui façonnent des représentations chez l’enfant, qui ont des répercussions dans son rapport à l’autre (colère ou déception contre la partenaire qui n’est pas comme dans les films…). 14 ans est l’âge de la première consultation de sites pornos.Il existe un risque de dépendance à ce type de contenus (8% regardent du porno tous les jours et considèrent cette pratique comme un apprentissage). Les contenus de certains sites prônent : l’inceste, des pratiques violentes et affichent un mépris pour les femmes. Dans son livre Pornland, Gail Dines évoque la notion de « consentement à bafouer « selon laquelle les femmes aiment être humiliées et sont toujours prêtent pour une relation sexuelle car leur « non » cache toujours un « oui ». L’homme apparait comme un révélateur de la nature profonde de la femme avide de sexe mais honteuse de l’avouer. La femme est donc présentée comme étant en en recherche de violation .
Je vous partage le lien de cette plateforme gouvernementale destinée aux parents , dont l’objectif est d’aider à mettre en place un contrôle parental et à aborder ce sujet avec leurs enfants :
Connaitre, écouter et aimer son corps
Il est important d’écouter les enfants quand ils parlent de leurs corps, de les prendre au sérieux (par exemple quand ils disent qu’ils ont mal , ou quand ils posent des questions considérées comme gênantes) et de les informer sur l’anatomie aussi bien masculine que féminine. Nous devons considérer qu’il s’agit de notre responsabilité de parents et ne pas tout déléguer à l’école ou à des professionnels de santé.
Pourquoi?
- Le sujet est encore tabou. Aujourd’hui, les filles continuent à avoir honte de leur corps, à ne pas le connaitre. Nous sommes nombreuses à découvrir notre anatomie lorsque nous attendons des enfants, de nombreuses filles ne sont pas informées sur les règles et ne comprennent pas ce qui se passe dans leur corps à la puberté, voir même éprouvent de la honte. Pour Marie Hélène Lahaye juriste et auteure de « Accouchement : les femmes méritent mieux », il existe un manque de transmission entre femmes . Elle explique que dans les années 60 un message a été véhiculé incitant les femmes à ne plus partager leur expérience et à considérer le médecin comme le seul détenteur du savoir. Les mamans n’ont donc plus parlé à leurs filles, elles les ont emmenées chez le gynéco pour qu’il fasse le boulot. Il s’agit, selon la juriste, d’un non sens, car ni les médecins ni les sages femmes ne seraient formés à donner ces informations, particulièrement dans un contexte où il faut aller de plus en plus vite.
- Un jeune qui n’aura jamais entendu le vrai mot pour désigner son sexe risque de ne plus employer de mot du tout plutôt que d’utiliser le mot d’enfant appris dans sa famille, ou d’employer des mots pas toujours très respectueux (“chatte”, « bite »…).
- Nommer permet de distinguer les parties anatomiques (plutôt que de confondre fesses et vulve), nommer permet aussi à l’enfant de se faire comprendre, de parler avec les adultes de certains soucis intimes ou de certaines attitudes abusives. Maëlle Challan Belval, conseillère conjugale et auteure du livre “Osez en parler ! Savoir parler d’amour et de sexualité avec ses enfants”rapporte ainsi le cas d’une fillette qui ne savait pas ce qu’était l’érection, et qui a alors avoué, en l’apprenant, que c’était ce qu’elle sentait lorsqu’elle s’asseyait sur les genoux du chauffeur de bus.
- Cette situation encourage le maintient de stéréotypes du genre et les rapports de domination. les violences sexuelles sont majoritairement genrées dans 9 situations/10 les violeurs sont des hommes. La majorité des viols ne résultent pas d’une frustration sexuelle mais d’une volonté de domination. Un dialogue avec nos fils visant à les rassurer sur leur anatomie et à leur parler du corps féminin pourra les guider vers une sexualité respectueuse.Les garçons sont soumis à de nombreux stéréotypes (notamment sur leur anatomie) associés à leur virilité, ces idées fausses sont sources de souffrance et de comportements inadaptés. Ils se déconnectent de leur empathie et de leur émotions pour supporter ces injonctions, notamment celle d’être « un étalon du sexe ». D’ailleurs , selon Gail Dines, une des raisons qui les poussent à regarder du porno vient du fait qu’il s’agit de sexe facile à obtenir sans risque d’être rejeté ou de se sentir ridicule.
Propositions de supports :
- Zizi et Zezettes (3/6 ans)
- Respecte mon corps (3/6 ans)
- Cher corps je t’aime (à partir de 9 ans)
- Max et Lili sur le thème de la pudeur(à partir de 9 ans) : le petit questionnaire à la fin permet d’ouvrir la discussion.
- Chanson « mon corps est à moi » (4/11 ans)
- Vidéo « Aime ton corps de femme » Public adolescent
Un tchat destiné aux 15-25 ans sur lequel ils peuvent tchatter avec des sages-femmes et poser toutes leurs questions de santé sexuelle
https://lespipelettes.org/login
3/ Aborder les notions de consentement et de violence en lien avec les droits fondamentaux de l’enfant
- Réfléchir à son propre rapport au consentement
Cette réflexion m’a amenée à prendre conscience de la nécessité à m’interroger sur mon propre consentement et sur ma capacité à dire « non » de manière générale. J’avais déjà réfléchi à cette question lors de mes grossesses en lien avec le consentement à certains actes médicaux. Le sujet est en fait trés vaste et concerne tous les domaines de la vie. Je pense qu’il mérite une conversation avec soi-même, qui peut d’ailleurs faire ressurgir des moments difficiles de notre histoire. Je pense aussi que c’est ce qui nous empêche ou nous pousse à aborder le sujet avec nos enfants, d’où l’importance d’ avoir d’une petite introspection avant d’aborder le sujet avec son enfant.
Tout commence dès la petite enfance :
Faire preuve de cohérence :
« L’enfant ressent par le corps il ressent dans la manière dont on s’occupe de lui ». (Sylviane Giampino)
« « Lors des soins du quotidien, il est essentiel de toucher les bébés avec le plus grand des respects , d’êtres attentif à leurs manifestations corporelles, de les prendre en compte. » (article les professionnels de la petite enfance »Article rédigé par : Monique Busquet « agressions sexuelles, la prévention commence dès le plus jeune âge)
Sur le papier cela semble évident? pourtant la réalité est toute autre. lorsque mon bébé se débat quand je le change ou que je le mouche, je réalise que je le force pour « son bien » ou parce que je suis pressée . Idem pour la nourriture, je detourne son attention pour lui mettre la cuillère dans la bouche quand je sens une réticence…. En transit, il m’arrive également de le changer à la vue de tous, considérant implicitement qu’il est trop jeune pour avoir une intimité.
En fait , nous ne sommes pas sensibilisés à cette question, ce fut pour moi une révélation de lire sur le sujet. J’ai eu 3 enfants et ce n’est que pour le dernier que j’ai changé certaines pratiques. Bien sûr que c’est le parent qui sait ce qui est bon pour son enfant, il n’est pas question de faire tout ce dont il a envie surtout s’il s’agit de sa santé mais il y a une nuance entre « en faire un tyran » et le rendre acteur des actes qui concerne son corps il me semble. Depuis cette prise de conscience, je travaille sur ma patience et je cherche à demander à mes enfants leur participation pour qu’ils acceptent le soin. Je n’y arrive pas toujours mais je garde en tête que mon comportement envoie un signal à mes enfants sur le fait qu’ils sont maitres de leur corps. Parfois, quand on impose, on pense ne pas avoir le choix mais ce n’est pas toujours vrai. Nous nous laissons souvent envahir par nos propres émotions : stress, mécontentent… Par exemple, hier j’ai administré de force un médicament à ma fille fiévreuse . Je me suis sentie mal à l’aise avec cette pratique, pas la peine de s’autoflageller (ce qui est fait est fait)mais je me suis dit qu’il fallait écouter cette gène. Aujourd’hui, j’étais moins stressée, j’ai pris le temps de lui donner différemment et j’ai réussi à obtenir son consentement. J’essaye également de cesser d’insister pour que mes enfants mangent ou pour qu’ils me fassent des câlins, c’est difficile avec ma petite qui a appétit de moineau ou lorsque je me donne du mal pour réaliser un plat mais je suis convaincue que la méthode du forcing aboutit la plupart du temps à un résultat insatisfaisant. Je ne vois pas comment mes enfants pourraient comprendre le sens du consentement si je leur envoie des signaux contradictoires. Si j’insiste constamment comme une malade, ils feront pareil avec moi et avec les autres et ne respecteront pas le positionnement de l’autre. Et après je me demanderais mais pourquoi ils sont si « tannants »:) , par imitation peut-être?! 🙂
Favoriser l’autonomie, faire confiance
Anne Bacus, dans son livre « 100 réponses de psy aux questions des parents », expliquent que les enfants surprotégés sont plus vulnérables car ils n’ont pas appris à se défendre. Donc encore une fois à nous de faire un travail sur nos angoisses pour les laisser s’autonomiser car ils gagneront en confiance en eux.
Supports proposés :
- Ça suffit les bisous!
Expliquer la notion de consentement :
Cette démarche concerne aussi bien les garçons , que les filles. Les garçons ne sont pas épargnés par les violences sexuelles 22% des plaintes les concerne. Les études montrent que les hommes ne s’interrogent pas à l’âge adulte sur leur propre consentement, une situation qui interroge sur la façon dont nos garçons se sociabilisent.
Pour commencer, il est plus simple de prendre des exemples de la vie pas forcement lié à la sexualité. Dans son livre « Tu seras un homme Féministe mon fils », Aurelia Blanc propose de partir de ce type de questions » : « Tu es entrain de dormir et ta soeur te coupe les cheveux pendant ton sommeil, tu es d’accord? tu n’arrives pas à te faire des copain et un camarade te dis vole et je serai ton ami , tu es d’accord? si tu le fais sous la pression es tu vraiment consentant? »
En effet, de nombreuses situations permettent de parler du consentement avec les enfants, il nous le font bien savoir quand ils nous disent « non » d’ailleurs » Je m’efforce de ne pas m’en tenir uniquement aux discours et de mettre en pratique chez nous:) Leur apprendre à respecter le consentement d’autrui c’est très fatiguant :). On a envie de fermer les yeux lorsqu’il faut reprendre à chaque fois qu’un enfant force son frère ou sa soeur à faire une activité, un câlin mais je suis persuadée que ça chemine…
Anne Bacus, propose de dire aux enfants que « Non ce n’est pas impoli de dire non. » Il est important de régulièrement rappeler à nos enfants que si un contact physique les met mal à l’aise, ils ont le droit de demander d’arrêter même si la personne à autorité sur eux, même si cela ressemble à un jeu.
L’affiche d’Elise Gravel sur le consentement est un bon support, adapté aux jeunes enfants.

Je vous partage également les livres que J’ai sélectionné pour aborder le sujet
- Pour les plus petits : à partir de 3 ans « Petit doudou n’a pas peur », Pour la même tranche d’âge, il y a aussi « Non dit petit monstre »
- Age primaire (à lire aussi aux garçons:):
La guerrre des jupes
- le petit livre pour apprendre à dire non
- Cette vidéo sur le consentement (6/12 ans)
- Pour les ados
J’ai repéré les livres:
« J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle » de Joe Witek et « Les Impatientes » de Djaili Amadou Amal (Prix Goncourt Lycéen) qui traitent de la question du mariage forcé.
« Le plongeoir » d’Elsa Devernois, il s’agit d’un recueil de 3 histoires courtes. Le consentement, la Domination masculine, injonction à la virilité, sidération des victimes, difficultés à dire non, sont les thèmes abordés dans ces nouvelles. »
Cette vidéo qui explique le consentement à une relation sexuelle en utilisant une allégorie avec une tasse de thé.
Expliquer le droit fondamental à ne subir aucune violence
Pour cela, vous pouvez partir de la définition des violences en général. Le livre de Catherine Dolto est bien adapté à cette démarche, notamment pour les jeunes enfants.
Ensuite, avec les enfants d’âge primaire, il est intéressant de parler des droits de l’enfant, ce qui fera d’ailleurs écho à des interventions qu’ils ont à l’école sur le sujet. Je vous propose comme supports : le livre « le chaperon voit rouge », le cahier Filliozat « les droits de l’enfant », et l’affiche téléchargeable sur le site Hoptoys. Ils vous aideront à expliquer aux enfants leurs droits fondamentaux à ne subir aucune violence physique, psychique, sexuelle, mais aussi à leur faire comprendre qu’ils n’ont pas le droit d’humilier, de faire du mal , de forcer quelqu’un.
- Cahier les droits de l’enfant (5/12ans)
4/ caractériser le danger dans le cadre des violences sexuelles
Pour compléter cette rubrique, je me suis notamment basée sur les document suivants :
- Dossier le p’tit libe « Mon corps m’appartient » : https://ptitlibe.liberation.fr/p-tit-libe/2018/10/11/mon-corps-m-appartient_1684259
- ET surtout ce rapport « Prévention des violences sexuelles envers les enfants » de Muriel Salmona présidente de l’association « Mémoire Traumatique et victimologie », je l’ai trouvé très complet! J’ai tenté d’en résumer les points clés.
- Je joins ce livret « sur les violences sexuelles » illustré de Caroline Gaujour illustratrice , qui apporte : une définition, des chiffres et aborde le sujet des conséquences psychologiques.
Violences Sexuelles et Conséquences
Quoi ? Définir et nommer les violences sexuelles
- la violence sexuelle c’est utiliser le corps de l’enfant comme objet , en niant ce qu’il peut ressentir. On la différentie de la sexualité consentie entre personnes ayant atteint la majorité sexuelle. On explique la distinction entre caresses permises et défendues. C‘est une violence qui ne fait pas forcement mal mais qui est gênante, qui fait peur et donne des sensations bizarres, une violence qui fait se sentir honteux.
- Phrases que l’on peut utiliser : « si on te touche, on t’oblige à voir ou à toucher des parties sexuelles de ton corps (on peut lui montrer sur une poupée) ou du corps d’autrui , si on se frotte le sexe contre toi, si on t’embrasse sur le corps et que tu ne veux pas , si on te demande de te déshabiller, si on veut prendre des photos de toi nu , si on te fait regarder des films pornographiques, si on te fait faire des actes sexuels », « si on te met un objet, ou un doigt dans les partie intimes (nommer le sexe et l’anus) , un sexe ds la bouche ou dans ton sexe ou ton anus , ou si on t’oblige à mettre un doigt ou ta bouche sur/dans les parties intime d’une personne «
Ces mots peuvent paraitre « crus » et difficiles à prononcer devant des enfants. Personnellement c’est après plusieurs années de sensiblisation ponctuelle sur le sujet que j’ai passé le cap auprès de ma fille de 7 ans. L’échange a été rapide. Il s’est bien passé, elle s’est montrée attentive à mes propos.
Pour ma fille de 3 ans, j’ai profité du bain pour lui montrer » les parties » intimes et lui dire que personne ne devait les toucher. Quelques jours plus tard, je lui ai lu « Zizi et Zezette » afin de lui donner des informations sur l’anatomie. J’ai laissé trainer le livre dans sa chambre et elle m’a demandé spontanément de lui relire à plusieurs reprises.
- On parle plutôt de pédocriminel sexuel que de pédophile qui signifie « qui aime les enfants »
- On informe que les agressions sexuelles sont interdites par la loi aussi bien pour un adulte que pour un mineur
Qui ? L’informer des comportements anormaux
Il est important que les enfants soient avertis que les agresseurs sont plus souvent des personnes proches que des inconnus dans la rue (à 94%, à 52% ds le cadre familial) et de les aider à comprendre que l’agression peut se déguiser en gentillesse. La majorité des viols ont lieu au domicile et sont rarement le fait de malades mentaux. 81 % des victimes de viol sont des mineurs, 64% des agresseurs ont moins de 24 ans.Les prédateurs repèrent les personnes vulnérables, les personnes handicapées sont plus souvent victimes.
Comment procède les pédocriminels ?
- Revenir sur la notion de secret : il n’y a pas de secret pour des faits aussi graves. Les agresseurs peuvent user de stratégies, faire croire à leur victime que c’est pour son bien, pour jouer, parce qu’il l’aime, parce qu’il la considère comme une grande personne digne d’être initiée, … Dans tous les cas l’agresseur sait que même un enfant qui ne dit pas « non » ne veut pas, que l’enfant peut être sidéré et ne pas comprendre tout de suite, qu’on peut avoir envie de dire « non » sans réussir à le dire.
- Rappeler qu’un adulte n’a pas le droit de se comporter comme un amoureux ou une amoureuse avec un enfant permet d’ancrer le caractère anormal de cette situation dans la tête de l’enfant et qu’il n’en est pas responsable si cela lui arrive.
- Certains agresseurs donnent de l’alcool et des médicaments aux enfants pour les rendre plus vulnérables.
- Informer sur les dangers d’internet
5/ Informer sur la conduite à adopter en cas de danger
La méthode des 3 questions à se poser fonctionne bien :
- Qu’est ce que je ressens en moi?
- Est ce que si je vais où on me dit mes parents seront au courant ?
- Est ce que si je suis en danger je pourrais demander de l’aide?
- Leur rappeler leur droit à dire « non ».
- Crier s’ils s’ont face à un danger. On peut s’entrainer à crier à la maison.
- S’enfuir s’ils ressentent que ce qu’on leur fait n’est pas normal même si la personne a autorité sur eux
- Se réfugier dans un magasin
- Connaitre par coeur le numéro de ses parents
- Sur internet : ne pas donner son adresse, ne pas accepter d’invitations secrètes, refuser de se montrer nu.
6 / Etre dans le dépistage continuel :
- Envoyer signal fort à son enfant, lui montrer qu’on se préoccupe de sa sécurité, lui offrir un espace de parole. L’enfant pose des questions sur la sexualité tout au long de son développement, il faut essayer d’y répondre sans gène. Il ne suffit pas de lui apprendre que son corps lui appartient car meme averti il ne saura pas toujours se défendre. Il est important de lui demander régulièrement comme il va , s’il ne subit pas ou n’a pas subi de violence, de choses gênantes, si personne ne lui a fait de mal, ne l’a touché ou ne lui a demandé de le toucher . S’en tenir à la prévention c’est risquer de culpabiliser l’enfant qui s’en voudra de ne pas avoir réussi à se défendre.
- Observer son enfant : Il s’agit d’être attentif à un changement de comportement : un intérêt accru pour tout ce qui est sexuel en décalage avec son âge , une masturbation et des frottements compulsifs, des scènes sexuelles avec jouets, l’introduction d’objets dans les parties intimes, des symptômes somatiques….
- Etre vigilant par rapport à un adulte ou un ado qui chercherait à créer un lien particulier avec l’enfant : qui veut faire des sorties seul avec l’enfant , qui offre des cadeaux…
7/ Réagir en cas de révélations
- Ecoutez l’enfant sans le harceler de questions
- Ne pas minimiser même si l’enfant n’a pas l’air traumatisé
- Prendre en compte même si ses propos semblent incroyables
- Lui dire qu’il n’est pas responsable
- Le remercier d’avoir parlé et le rassurer sur le bien fondé de s’être confié, lui dire qu’il n’existe pas de secret dans ce cas de figure
- Protéger la victime en l’éloignant immédiatement de l’agresseur
- Lui dire que c’est interdit par la loi et qu’elle doit être protégée en informant les autorités compétentes : police, gendarmerie, numéro 119.
8/ Supports « Mises en scène » pour informer et échanger avec votre enfant :
Les informations données à un enfant sur la sexualité doivent ainsi être actualisées, augmentées, enrichies au fur et à mesure que l’enfant grandit
- Le film mon corps c’est mon corps : Le support est certes vintage, on se retrouve plongé dans un univers des années 80 mais le contenu est tout à fait d’actualité. Les mises en situation permettent à l’enfant de mieux appréhender la notion de consentement, les situations de danger, et les réactions à adopter. Les enfants d’une classe commentent les scènettes ce qui permet de capter l’attention du jeune spectateur qui s’identifie à eux. Ma fille de 7 ans s’est montrée réceptive au contenu. Elle m’a posé des questions à l’issue du visionnage. La chanson répétitive permet aussi « d’ancrer » les informations dans l’esprit de l’enfant.
- Le dossier « mon corps m’appartient » le petit Libé : une trame pour aborder le sujet https://ptitlibe.liberation.fr/p-tit-libe/2018/10/11/mon-corps-m-appartient_1684259.
- Le questionnaire « Permis de Prudence » est un quizz qui permet de faire ;le point avec son enfant sur les comportements à adopter . https://permisdeprudence.fr/brochure/enfants .
- le livret bayard propose des mises en situation que l’on peut également retrouver sous forme de vidéos https://violences-sexuelles.info/dl/Livret-STOP_aux-Violences_Sexuelles.pdf?fbclid=IwAR20IRfqTg_GF2A82ygTkBGT7WgdgpNRmhX9jCDBnh6P7yq1cf44unfxv1k
- Cette vidéo à destination des ados montrant concernant les « photos dénudées sur les écrans «
Selon une étude coordonnée par le Centre Hubertine Auclert et réalisée par l’Observatoire Universitaire International d’Éducation et Prévention (OUIEP) de l’Université Paris Est Créteil, 17% des filles et 11% des garçons déclarent avoir été confrontés à des cyberviolences à caractère sexuel par le biais de photos, vidéos ou textos envoyées sous la contrainte et/ou diffusées sans l’accord et/ou reçues sans en avoir envie.
En effet, les adolescents ne mesurent pas toujours les risques du sexting, le fait d’envoyer des sextos (photos ou vidéos sexuellement explicites, que l’on appelle aussi des nudes) par webcam ou par messages même si cette diffusion est illégale.
Des références pour aller plus loin
- la selection de livres abordant le thème des violences sexuelles du nouvel obs : https://www.nouvelobs.com/rue89/nos-vies-intimes/20181119.OBS5663/voici-10-livres-pour-enfants-pour-parler-avec-eux-des-violences-sexuelles.html?fbclid=IwAR0HUgtkrgzxqcYXyW02u0hwzpie-55cdc1BMJm4N2dXEdWxPH2UQejKYJ8
- La selection de livres la librairie des sorcières comprenant une série de livre à destination des ados abordant notamment le thème de l’inceste https://librairies-sorcieres.blogspot.com/2021/02/touche-pas-mon-corps-une-selection-de.html?m=1&fbclid=IwAR0FHfRaR9IF6Dghj2JYpsWenLhk_JdRpwEAUc3XXryRa4ZgBrKb_c-amAY
- Le livre d’Isabelle Filliozat, Psychothérapeute et Margot Fried-Filliozat, coach en relation intime et sexuelle « Sexperience » à destination des parents et des ados pour répondre à leur questions, et developper leur compétences émotionnelles et sociales. A laisser trainer pour que son ado puisse s’en saisir 🙂 à partir de 13 ans.
Conclusion : nous avons tous un rôle à jouer!
Les violences sexuelles restent un sujet tabou, qui commence à être dévoilé au grand jour suite aux affaires d’inceste récemment médiatisées et au mouvement #MeTooInceste. Face au manque de prévention en terme de santé publique, au manque de formation des professionnels, aux délais d’attente des prise en charge psychologique des victimes, il est important d’agir. Ce guide est une petite bouteille jetée à la mer dont l’objectif est de servir une grande cause car nous manquons cruellement d’outils pour aborder ce sujet. Chacun peut apporter sa pierre à l’édifice, en sensibilisant son enfant et en considérant le sujet comme cause nationale. C’est en pensant collectivement que viendra le changement.